La "shrinkflation" consiste à diminuer la quantité dans les paquets tout en les vendant au même prix, voire plus cher.
La France aimerait que les consommateurs soient mieux informés, avec des étiquettes indiquant clairement le changement.
Mais les distributeurs voudraient que les industriels s’en chargent eux-mêmes.

"C’est une escroquerie !" Cette cliente d’un supermarché sollicitée par TF1 ne décolère pas. Comme tant d’autres, elle a bien remarqué, ces derniers mois, que de nombreux produits étaient vendus à un prix identique, voire plus élevé, mais en quantité réduite. Une pratique devenue tellement courante qu’on lui a donné un petit nom : la shrinkflation, contraction du verbe anglais to shrink (réduire) et du mot "inflation". Au point que le ministère français de l’Économie a transmis à Bruxelles un projet d’arrêté visant à contraindre les enseignes à informer les consommateurs dans pareil cas.

Concrètement, la seule obligation, jusqu’alors, est d'afficher la nouvelle quantité et le nouveau prix. "Aujourd’hui, quand vous êtes dans les rayons, c’est à vous d’aller scruter les étiquettes et de vous souvenir de l’ancien poids du produit, ça ne peut pas durer. La responsabilité de la transparence est entre les mains des supermarchés et des industriels, pas des consommateurs", synthétise Audrey Morice, chargée de campagnes de l’organisation Foodwatch France.

On risque d’être confronté à une usine à gaz
Dominique Schelcher, PDG de Système U

Si elle est acceptée par l’Union européenne, la nouvelle réglementation soumise par le gouvernement français impliquerait de mentionner le "avant-après". Prenons l'exemple d'un paquet de glace, récemment passé de 10,90 euros/kg à 13,45 euros/kg : il s’agirait alors d’indiquer clairement en rayon que le paquet a perdu 56 grammes, coûte 2,55 euros de plus, et donc que son prix au kilogramme a bondi de 23%.

Selon le projet d’arrêté, cette nouvelle étiquette serait collée par le distributeur, c’est-à-dire par les supermarchés et les hypermarchés. Mais c’est justement là que le bât blesse. "Ce n’est pas à nous de le faire. Celui qui sait qu’il a modifié son produit, sa recette, son emballage, c’est l’industriel. On risque d’être confronté à une usine à gaz et de perdre beaucoup de temps en magasin, réagissait en effet Dominique Schelcher, PDG de Système U, le 3 janvier sur BFMTV. Si le décret sort, nous le respecterons et l'appliquerons, mais nous le regrettons."

La "seule piste réaliste à court terme"

Aucun des neuf fabricants contactés par TF1, parce qu’épinglés par des associations de consommateurs et la grande distribution, n’a souhaité communiquer sur ce point. De son côté, le cabinet de la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, justifie le choix de faire porter cette obligation aux distributeurs par une forme de pragmatisme lié au cadre juridique européen, arguant qu’il s’agit de "la seule piste réaliste à court terme" et qu’il faudrait attendre plusieurs années pour imputer cette charge aux industriels. L’idée étant, en l’occurrence, que cette mesure entre en vigueur dès le printemps prochain.


Hamza HIZZIR | Reportage TF1 Roxane Sygula, Fabienne Moncelle et Florian Le Goïc

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